Eugène Delacroix

Bien que durant son enfance Eugène Delacroix (1798-1863) ne montre pas de dispositions particulières à la peinture, il entre tout de même à l’âge de 17 ans dans l’atelier de Guérin où il rencontre Géricault. Puis en 1819 il entre aux Beaux-Arts. Deux ans plus tard, il envoie au Salon sa peinture Dante et Virgile. Les critiques sont très durs mais le public apprécie beaucoup. Il refera parler de lui en 1824 avec Le massacre de Scio.
En 1828 il créer un scandale, à nouveau, au Salon suite à l’exposition de son œuvre La mort de Sardanapale. Les critiques s’abattent sur lui : « Que M.Delacroix se rappelle que le goût français est noble et pur et qu’il cultive Racine plutôt que Shakespeare », « La majeure partie du public trouve ce tableau ridicule »(1). Mais cela ne l’empêche pas d’acquérir une notoriété grandissante jusqu’à l’exposition de La liberté guidant le peuple au Salon de 1831, qui restera le symbole de la Révolution Française et qui lui permettra notamment d’obtenir la Légion d’Honneur puis qui sera également acheté par le roi Louis-Philippe pour le Musée Royal. Il se lance alors dans une série de tableaux engagés et de toiles historiques comme Charles Quint au monastère de Yuste.

DELACROIX, Autoportrait au gilet vert, 1837, 65x54cm, Paris, Musée du Louvre Source: http://cartelfr.louvre.fr/cartelfr/visite?srv=car_not_frame&idNotice=8243

DELACROIX, Autoportrait au gilet vert, 1837, 65x54cm, Paris, Musée du Louvre Source: http://cartelfr.louvre.fr/cartelfr/visite?srv=car_not_frame&idNotice=8243

Le 5 décembre 1831, il est invité par le Comte de Mornay à se joindre à une mission extraordinaire au Maroc, il voyagera à travers le pays mais aussi en Algérie et dans le sud de l’Espagne. Ce périple modifiera profondément sa façon de peindre et continuera de l’inspirer tout au long de sa vie.Sa notoriété lui permettra notamment d’obtenir de nombreuses commandes comme Le Salon du Roi ou encore le décor de la bibliothèque de l’Assemblée nationale qui participeront à sa reconnaissance en tant qu’artiste au service de l’Etat. Delacroix fréquente alors tous les cercles politiques à la mode, il mène une vie mondaine.(2) Mais il tardera tout de même à être reconnu par le milieu officiel de la peinture. Il ne sera élu que le 10 janvier 1857 à l’Institut de France après avoir présentée sa candidature 7 fois. Il participera en 1862 à la création de la Société Nationale des Beaux-Arts avec son ami romancier Théophile Gautier. Mais il meurt quelques mois plus tard le 13 août 1863 d’une crise de tuberculose, il repose désormais au cimetière du Père-Lachaise.

C.C

(1) http://www.musee-delacroix.fr/fr/
(2) http://www.universalis-edu.com.ezproxy.univ-paris1.fr/encyclopedie/eugene-delacroix/#titre-i_5852

Gustave Courbet : protecteur des arts et défenseur de la liberté de l’artiste

Gustave Courbet est un peintre français né en 1819 à Ornans. Sa vocation pour la peinture s’affirme très tôt et il quitte sa ville natale pour Paris. Peintre libre, il fréquente plusieurs ateliers et s’émancipe du parcours académique classique. Reconnu pour ses qualités de peintre, il s’affirme au Salon de 1849 et expose sept toiles dont l’Après-Dîner à Ornans, offrant alors les dimensions d’une peinture d’histoire à une scène de genre. L’année d’après, il expose plusieurs oeuvres dont les Casseurs de Pierres ( figure 1)

Figure 1 : Les casseurs de pierres, 1849, 165x257cm, huile sur toile, Gemäldegalerie, Dresden.  Source : http://www.wga.hu/index1.html

Figure 1 : Les casseurs de pierres, 1849, 165x257cm, huile sur toile, Gemäldegalerie, Dresden.
Source : http://www.wga.hu/index1.html

et Enterrement à Ornans, immense toile de 320x660cm. Cette dernière oeuvre choque et fascine le public. Dans cette toile, il traite une scène de vie pleine d’humanité à la manière des grandes peintures historiques et mythologiques. Gustave Courbet est un peintre qui se place du côté du peuple. Ses peintures sont des peintures de la condition humaine, de l’émotion, du réel. Les codes établis de l’histoire de l’art ne l’intéresse pas et sa rencontre avec Bruyas, mécène, va lui permettre de vivre de sa peinture en toute indépendance. Proudhon qualifie sa peinture de sociale (1). Courbet, lui,  affirme que c’est « en peignant ce que j’ai vu, que j’ai soulevé ce qu’ils appellent la question sociale » (2). Une peinture de la réalité qui sera largement critiquée par Delacroix ou Baudelaire qui l’a qualifie de « vulgaire » (3).  En 1955, il peint L’atelier du peintre destiné à être exposé à l’Exposition Universelle de 1855. Mais sa toile est fortement rejetée. Il décide alors d’organiser sa propre exposition dans son Pavillon du Réalisme qu’il construit en marge de l’Exposition Universelle pour que toute la société puisse avoir accès à son travail. Il y a, dans son art, une véritable volonté de réalisme social. Dans les années 1860, il ouvre un atelier à Paris avec Castagnary, critique d’art et journaliste français où les jeunes peintres apprentis se trouvent face à des boeufs plutôt qu’à des modèles féminins ou masculins. Ils se retrouvent devant une tout autre réalité, bien différente de celle des institutions académiques classiques.

Gustave Courbet, Autoportrait ou l'Homme à pipe, 1848-49, 45x37cm, huile sur toile,  Musée Fabre, Montpellier.  Source : http://www.wga.hu/index1.html

Gustave Courbet, Autoportrait ou l’Homme à pipe, 1848-49, 45x37cm, huile sur toile, Musée Fabre, Montpellier.
Source : http://www.wga.hu/index1.html


En 1871, Gustave Courbet est nommé Président de la Commission des Artistes à un moment de trouble pour la France. En effet, Paris est assiégée par la Prusse et le gouvernement à Versailles ne souhaite pas se défendre. C’est ainsi que commence la Commune de Paris avec un gouvernement autonome. Courbet est élu au conseil de la Commune, on lui donne la charge d’ouvrir les musées aux parisiens et d’organiser le Salon. Il participe au décret annonçant la destruction de la colonne Vendôme, symbole de la gloire de Napoléon pour la remplacer par une « colonne des peuples ».  Mais en tant que fervent défenseur des arts, il va appuyé pour privilégier le déboulonnage à la destruction. Le 21 mai 1871, Les Versaillais lancent des troupes contre la Commune, Courbet est arrêté et condamné à 6 mois de prison. Il devra en plus, fournir l’argent nécessaire à la restitution de la colonne. Ses biens seront confisqués et il n’aura plus le droit de vendre ses oeuvres. Il s’exile en Suisse après avoir purgé sa peine où il y meurt en 1877.

A.L.B.

(1) http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Gustave_Courbet/114934
(2) Ibid.
(3) http://www.musee-orsay.fr/fr/collections/dossier-courbet/reception-de-loeuvre.html#c19388

Pourquoi l’oeuvre Le Radeau de la Méduse a-t-elle fait scandale ?

Géricault, Le Radeau de la Méduse, 1818-1819, 491x716,  huile sur toile, Musée du Louvre, Paris.  Source : http://www.wga.hu/index1.html

Figure 1 : Théodore Géricault, Le Radeau de la Méduse, 1818-1819, huile sur toile, 491×716, Paris, Musée du Louvre. Source : http://www.wga.hu/index1.html

En 1819, le peintre Théodore Géricault présente son œuvre Le Radeau de la Méduse ( figure 1) au Salon et le public est choqué. L’œuvre est extrêmement critiquée. L’artiste prend pour sujet un événement d’actualité qui n’avait pas laissé le peuple français insensible. En effet, en juin 1816, La frégate La Méduse Amirale, prend le large direction le Sénégal pour reprendre le territoire aux Anglais. À son commandement, on y retrouve le Comte de Chaumareys. Un mois après son départ, la frégate s’échoue et le capitaine abandonne son navire y laissant environ 150 membres d’équipage à bord. Pour se sauver, ils prennent place sur un radeau de 20mètres sur 7mètres qui sera remorqué par les autres embarcations de secours. Mais les amarres se rompent et la plupart des hommes meurent noyés. C’est un épisode qui fut un véritable massacre puisque les autres, saouls ou pris de folie s’entre-tuent et mangent les cadavres. Le cauchemar s’arrête lorsque le navire l’Argus arrive pour les secourir, il ne retrouve que 15 hommes mourants sur le radeau, seulement 10 pourront être réanimés (1). L’évènement prend alors une très grande ampleur et les français blâment le gouvernement d’avoir choisi le Comte de Chaumareys comme commandant puisqu’il n’avait plus navigué depuis des années. Ce dernier comparaît alors devant la justice et il est radié de l’armée puis condamné à trois ans de prison. Pour réaliser cette œuvre, Géricault entreprend un travail très minutieux. Pendant trois ans, il consulte les documentations sur le drame et interroge deux survivants, Corréard et Savigny, qui lui décrivent le déroulement exact de la scène. Il réalise une maquette en cire et va même jusqu’à étudier les cadavres dans son atelier (2) . Le réalisme des corps en torsions, affamés, inconscients et désespérés est tel que le public est frappé par l’horreur de la scène alors bien loin du beau idéal de l’époque. L’œuvre choque l’assistance et est considérée alors comme un manifeste anti néoclassicisme et prônant une esthétique pro réaliste. De plus, alors que certains y voient un message politique contre le pouvoir rappelant alors l’indignation du peuple français au moment du drame, d’autres, y décèlent aussi une allusion à la dérive du peuple français sous La Restauration. Les royalistes iront même jusqu’à s’exclamer : « Rien de touchant, rien d’honorable pour l’humanité morale ; on dirait que cet ouvrage a été fait pour réjouir la vue des vautours ! » (3) devant ce tableau, qui, plus que l’épisode de violence et de cannibalisme, représente surtout un moment d’espoir perdu. De plus, la figure de l’homme noir au sommet de la pyramide apparait comme un message de l’artiste contre l’esclavagisme.

Cependant, le tableau sera très bien accueilli en Angleterre où il sera exposé en 1820.

A.L.B.

(1) http://www.histoire-image.org/site/oeuvre/analyse.php?i=136
(2) http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/le-radeau-de-la-meduse
(3) http://www.latribunedelart.com/gericault-le-radeau-de-la-meduse-et-l-ideologie-du-seul-but-d-art

Topino Lebrun, un peintre révolutionnaire

Topino LEBRUN, La mort de Caius Gracchus, 1798,

Figure 1 : Topino LEBRUN, La mort de Caius Gracchus, 1798, Source: http://necspenecmetu.tumblr.com/post/44590101620/francois-jean-baptiste-topino-lebrun-the-death-of

Elève de Jacques Louis David, François Jean-Baptiste Topino-Lebrun né à Marseille le 11 avril 1764 est pourtant un peintre peu connu, on ne retient généralement de son œuvre qu’un seul tableau : La mort de Caius Gracchus ( figure 1). Et pour cause, il a souvent délaissé son art pour se consacrer à son engagement politique au sein de la révolution. Son amitié avec David lui a offert un réseau politique, ainsi que de solides alliés dans son engagement révolutionnaire, nous pouvons par exemple citer des peintres tel que Chinard ou Ratter dont il a fait la connaissance lors de sa formation institutionnelle en Italie.(1) Un des faits les plus marquants de son combat politique est sans doute sa nomination en tant que juré au Tribunal révolutionnaire, et ce, certainement grâce à l’appui de David. A chaque procès, il prenait minutieusement des notes des débats qui s’y déroulaient, ce qui nous permet aujourd’hui d’avoir une connaissance quasi complète de ces procès.(2) Il est alors très apprécié par le peuple qui voit en lui le patriote idéal ayant joué un rôle d’informateur durant la période de Terreur. En septembre 1800, Topino-Lebrun est recherché par la police, il serait impliqué dans la « Conspiration des poignards », une tentative d’assassinat contre Napoléon Bonaparte le 10 octobre 1800 à sa sortie de l’opéra.(3) Pourtant rien ne le relie directement à cette conspiration mais Fouché de Nantes alors ministre de la Police y voit une occasion de l’arrêter. Ceracchi l’aurait désigné comme le fournisseur des poignards. L’enquête est menée à la fois par le ministre de la Police Fouché, le préfet de police Dubois ainsi que le commissaire du gouvernement. L’instruction est bâclée et obscurcie par la volonté des trois hommes d’établir leur autorité. Après son interrogatoire, Topino-Lebrun est transféré à la prison du Temple où se trouvent déjà d’autres « conjurés ». Le procès des suspects de la « conspiration des poignards s’ouvre le 7 janvier 1801, après 3 jours il est reconnu coupable et condamné à mort ainsi que Demerville, Ceracchi et Arena, ses supposés complices dans cette conspiration. Ils tentent de se pourvoir en cassation mais cela leur est refusé. Topino-Lebrun épuise alors un dernier recours : il écrit une lettre au jury dans laquelle il tente de démontrer son innocence. Mais c’est en vain puisqu’il sera guillotiné le 31 janvier 1801 en place de Grève.
C.C

(1):http://www.ina.fr/video/RAC9607182676
(2): http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5662389h/f8.zoom
(3):http://www.jstor.org/discover/10.2307/41913485?sid=21105877064003&uid=4&uid=2&uid=3739256

Jacques Louis David et la Révolution Française

David, Autoportrait, 1790, 63x52 cm, huile sur toile, Pushkin Museum, Moscou.Source : Web Gallery of Art, Paintings between 1784 and 1792 (en ligne)  http://www.wga.hu/index1.html ( consulté le 09/02/15)

David, Autoportrait, 1790, 63×52 cm, huile sur toile, Pushkin Museum, Moscou. Source : http://www.wga.hu/index1.html

Juin 1789, Le Tiers État, quelques nobles et quelques membres du bas clergé forment la première Assemblée nationale de l’histoire de France. Trois jours plus tard ils se réunissent avec leurs partisans dans un gymnase où ils énoncent le Serment du jeu de Paume. Le mois d’après, Le Clergé, La Noblesse et le Tiers État forment l’Assemblée nationale constituante chargée de rédiger une constitution pour la France et le peuple parisien donne l’assaut à la Bastille. David, lui, pose la dernière touche à ses Les Licteurs rapportant à Brutus les corps de ses fils. De peintre académicien de l’histoire antique, David devient peintre académicien de l’histoire nationale. Dans l’effervescence des événements qui l’entoure, il emprunte le thème de Brutus raconté par Tite-Live. Sénateur romain luttant contre l’autorité royale jusqu’à ordonner la mort de ses fils qui se liguent secrètement contre la République. L’artiste présente le tableau au Salon de 1789 et il gêne énormément le pouvoir. Et pourtant, il est réutilisé à des fins politiques et est exposé une seconde fois au Salon de 1791 (1). David, pleinement engagé dans la Révolution, commence la réalisation d’une toile monumentale qui est le Serment du Jeu de Paume relatant les événements de mois de juin. C’est la représentation d’un événement contemporain et national à la manière d’une peinture d’histoire. Un projet qui ne va jamais aboutir. Ce sont les Jacobins, fervents défenseurs du peuple, qui veulent d’abord financer l’oeuvre. Ils seront rattrapés rapidement  par l’Assemblée constituante qui y voit un symbole de l’unité nationale et qui voudra la financer au frais du trésor public. Finalement, les événements ont pris un tournant différent, et cette question d’unité nationale laisse place à la division entre extrémistes et modérés. L’artiste abandonne sa toile au printemps 1792 (2).

En 1793, Jacques Louis David est élu député de Paris à la Convention. Il vote pour la dissolution de l’Académie Royale de peinture et de sculpture et surtout pour la mort du roi Louis XVI (3). Ce dernier est exécuté dès le mois de janvier 1793. La même année, le peintre réalise trois tableaux glorifiant les martyrs tués pour la liberté, Le Peletier de Saint-Fargeau , disparu aujourd’hui,  La mort de Marat et Le jeune Bara, achevé l’année d’après. Il est proche de Robespierre, et son engagement politique est tel qu’il est emprisonné deux fois en 1795 au Luxembourg. Lorsqu’il est libéré, il peint L’Enlèvement des Sabines. À nouveau, il se sert du thème de la paix entre les Romains et les Sabins. Mais sous ses inspirations antiques, le message est clair, le tableau transperce d’un véritable soucis d’unité nationale (4). Alors que La Terreur engendre massacres et tueries en France, David ne souhaite que la réconciliation générale du peuple. En 1797, il entre en contact avec Napoléon Bonaparte et lui voue une très grande admiration. Il sera nommé premier peintre en 1805 et participera à la propagande du pouvoir impérial de Napoléon Ier par sa peinture. Il s’exile à Bruxelles pendant la Restauration, période marquée par le retour du pouvoir monarchique après la chute du premier empire, et y meurt en 1825.

Élu député, président de la Convention, membre du groupe des Jacobins et membre du Comité de  Sûreté générale, David est profondément marqué par cette période de l’histoire de France. Son art est un véritable manifeste de son engagement politique. Plus qu’un artiste engagé, Jacques Louis David était un véritable acteur de ce tournant historique qu’est la Révolution Française.

A.L.B

(1) http://www.histoire-image.org/site/etude_comp/etude_comp_detail.php?i=1205
(2) http://www.histoire-image.org/site/etude_comp/etude_comp_detail.php?i=215
(3) http://www.universalis.fr/encyclopedie/jacques-louis-david/3-l-episode-revolutionnaire/
(4) http://www.universalis.fr/encyclopedie/jacques-louis-david/3-l-episode-revolutionnaire/